Au bout du rêve, de Sarah Dessen

Auteur Coup de ♥

Résumé :

Matthew Biscoe, avec ses yeux verts et ses longues dreads brunes... c'est le prince charmant, Catlin en est sûre. Depuis qu'elle sort avec lui, elle tient le premier rôle, comme dans un rêve. Matthew est vraiment différent : Catlin découvre un univers hors norme, qui lui permet d'oublier tout le reste. Sa sœur disparue, sa mère taciturne, sa vie terne. Alors, comment faire marche arrière quand leur relation devient plus difficile à vivre que « tout le reste » ?

Pocket Jeunesse
347 pages ; 17.80€

Publié le 16 mai 2013

Dit comme ça, ça peut paraître bête, mais Sarah Dessen fait partie des quelques auteurs qui m’ont redonné le goût de la lecture, après une période où je ne lisais pas beaucoup (sauf mes Harry Potter, que je ne cessai de relire, ou mes quelques emprunts occasionnels à la pauvre bibliothèque de mon village). Depuis Cette chanson-là, elle est devenue l’une de mes auteurs préférés. Donc chaque année, j’attends son prochain roman avec énormément d’impatience. Celui-là n’y a pas échappé… et je n’en ressors pas déçue le moins du monde.

Caitlin se réveille le jour de son anniversaire avec la terrible surprise de voir que sa sœur est partie, comme ça, avec pour seul au revoir un petit mot d’excuse sous la machine à café. Elle qui n’était déjà pas en haut de l’affiche se voit complètement oubliée au profit de sa sœur qui, en quittant la maison, a bouleversé le quotidien de leurs parents. Déterminée à exister d’une façon ou d’une autre, Caitlin va s’inscrire en tant que cheerleader… mais ce qui va réellement lui permettre de se sentir « entière », c’est sa relation avec Matthew.

L’auteur a récemment dit sur son twitter que ce roman était le plus sombre, le plus dur qu’elle ait jamais écrit, et pour en avoir lu pas mal avant celui-ci, je ne peux que confirmer. Le récit se découpe en trois parties : Cass, Matthew, et « moi », et cette configuration, qui prend tout son sens à la fin du livre, est plus importante qu’on ne pourrait l’imaginer. Caitlin a toujours eu l’impression d’être invisible aux yeux de ses parents comme du reste du monde. Elle a toujours évolué dans l’ombre de sa sœur, qu’elle adore, mais qu’elle ne pouvait s’empêcher d’envier. C’est quelqu’un de discret, qui a tendance à agir selon ce qu’on attend d’elle, qui ne dit rien. Puis sa sœur part et, loin de lui donner l’occasion de briller au sein de la famille, elle va une fois de plus accaparer toute l’attention. Le seul moyen d’échapper à cette pression, c’est Matthew. Le beau et dangereux Matthew. Malgré les mises en garde, Caitlin va se plonger à corps perdu dans cette relation et entamer une lente descente en enfer, s’exposant dans un univers de drogue et de violence.

Au bout du rêve traite de l’importance de trouver sa place au sein d’un groupe et de s’accepter comme l’on est, et pas comme les autres voudraient que l’on soit. En s’agrippant à sa relation avec Matthew, qui au final lui a apporté plus de mal que de bien, Caitlin s’est enfermée dans une bulle destructrice qu’elle ne pouvait pas quitter, honteuse d’être une victime, de montrer sa faiblesse à tout le monde, de montrer qu’elle n’avait rien à voir avec sa sœur, qui a toujours été la plus forte, la plus parfaite. Son désespoir l’a conduit à s’enfoncer dans une situation qu’elle accepte malgré elle, résignée, convaincue qu’elle est l’unique fautive, et qu’elle mérite ce qu’il lui arrive. Mais passer sa vie à reprocher certaines choses à son entourage ou à soi-même n’aide pas à aller de l’avant : au lieu de ressasser le passé, il faut l’accepter. Ici, il n’y a pas une seule personne à blâmer pour ce qui arrive à Caitlin. Ça pourrait être la faute de sa sœur qui est partie, de ses parents qui n’ont rien su voir, de Matthew qui a profité de sa faiblesse, ou la sienne pour ne pas avoir su dire « stop ». Mais à quoi bon trouver un fautif ? La vraie solution, c’est d’assumer ce qui s’est passé, d’apprendre de ses erreurs, et d’en ressortir grandi. Ce roman, à la fois superbe et bouleversant, intense et poignant, met en scène des personnages qui pourraient être vous ou moi, dans des situations qui pourraient être les nôtres. Aucune once de fantastique, d’extraordinaire ou d’éléments improbables ne viennent rythmer le récit. Et pourtant, cette histoire nous fait voyager loin, au travers de forts sentiments et de touchantes sensations.

Par le biais d’une écriture toujours aussi fine et juste, Sarah Dessen nous offre donc une magnifique leçon de vie. Sa faculté à manier les mots avec subtilité et émotions peut nous faire passer du rire aux larmes le plus naturellement possible. Les thèmes qu’elle traite ont beau être relativement graves, elle a une façon bien à elle de les aborder, nous faisant ressentir les choses en profondeur malgré une certaine légèreté. Son style n’est ni lyrique ni poétique, certains peuvent même le considérer comme simple, mais il possède quelque chose qui fait que chaque phrase se révèle percutante.

Pour finir, je dirais qu’il serait réducteur de considérer ses écrits comme de simples histoires d’amour, comme je l’ai souvent entendu dire, car ils sont bien plus que ça. Ce sont des histoires de vie, aussi banal que cela puisse paraître. Mais cette auteur n’a pas son pareille pour toucher ses lecteurs et les faire réfléchir sur les épreuves que chacun peut traverser au cours d’une vie, et ça, ça fait toute la différence. Personnellement, j’ai dévoré ce roman avec le même appétit que les autres avec pour seule envie d’en avoir encore. Parce que Sarah Dessen, c’est l’une des meilleures, je vous l’ai déjà dit… ;)