La vérité sur Alice, de Jennifer Mathieu

Résumé :

Alice Franklin est une traînée. Tout le monde le sait. C’est forcément vrai puisque c’est écrit partout sur les murs des toilettes. On dit qu’elle a couché avec deux garçons d’affilée, et qu’elle a provoqué la mort de l’un d’entre eux. Tout le monde a sa vérité sur Alice : son ancienne meilleure amie, l'entourage de la victime, son admirateur secret… Quelle sera la vôtre ?

Pocket Jeunesse
204 pages ; 16.90€
Publié le 04 février 2016 

La vérité sur Alice est l’une des nouveautés PKJ du mois de février. Il s’agit d’un livre assez court qui se lit vite, mais qui laisse un goût un peu amer dans la bouche – un goût qui perdure bien après que l’on ait terminé notre lecture. Ce n’est pas un coup de cœur pour bien des raisons, mais c’est quand même un roman qui ne m’a pas laissée indifférente.

Malgré ce que le titre peut laisser penser, l’histoire que Jennifer Mathieu nous raconte n’est pas celle d’Alice, mais celle d’Elaine, Kelsie, Josh et Kurt. Celle du lycée d’un petit village où tout se sait et où tout se raconte. Alice se retrouve bien au centre de ce bouquin car elle est au centre de tout, mais on la voit tout au long du livre par le regard de ses amis… ou plutôt de ceux qui ont un jour été ses amis, mais qui l’ont ensuite abandonné pour des ragots, pour gagner en popularité ou pour se déculpabiliser (finalement, peu importe la raison).

Construit sous la forme de mini témoignages, le récit nous offre le point de vue des quelques personnages cités ci-dessus : Elaine, Kelsie, Josh et Kurt. C’est grâce à leurs petits bouts de vie que nous apprenons ce qui s’est passé, ou du moins ce que l’on pense qui s’est passé, ne sachant pas trop où est la vérité dans tout ce qui se raconte. Ce qui est sûr, c’est qu’Alice est une trainée qui a couché avec deux gars dans la même soirée, et qui a ensuite causé la mort de l’un d’eux. Ou pas, en fait ? Dans tous les cas, personne ne peut prendre le risque de la défendre, sinon adieu la réputation. Et pour certains, c’est clairement le plus important. Après tout, qui se fiche de pourrir la vie d’une jeune ado, tant qu’on n’est pas l’ado concerné ?

Si ce livre n’est pas un coup de cœur, c’est parce que je n’ai pas spécialement eu de révélation le concernant. La plume de l’auteur ne m’a pas transportée, d’ailleurs elle n’est pas particulièrement développée… mais je dois lui reconnaître qu’elle est en parfait accord avec la façon dont nous est racontée l’intrigue, ce qui est certainement le fruit d’une réflexion et d’un travail que je ne dénigrerai pas. Je disais plus haut que nous avions affaire à des mini témoignages, et cela se ressent dans la narration puisque chaque chapitre nous donne l’impression que les protagonistes s’adressent à nous. On est dans un registre familier, sur le ton de la confidence, et c’est efficace car ça permet à l’auteur de poser les bases de son intrigue et de nous la dévoiler au fur et à mesure, tout en nous donnant l’impression de discuter avec les personnages. Chacun va nous raconter ce qui se dit sur Alice, puis ce qu’il pense d’Alice et enfin, ce qu’il sait d’Alice… et, curieusement, tout ça ne se rejoint pas forcément.

Les personnages qui prennent la parole font le récit de ce qui peut s’apparenter à une descente aux enfers. On se rend compte que ce qui n’était à la base qu’une rumeur, une blague, peut aller bien plus loin qu’on ne l’imaginait au départ, et que de simples ragots peuvent pourrir une vie. C’est terrible d’assister à ce phénomène sans rien pouvoir y faire. Je vous jure que j’étais énervée pendant ma lecture. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde continuait de s’acharner sur Alice. Qu’elle ait fait quelque chose de « mal » ou pas, d’ailleurs. Qui est-on pour juger une personne comme cela ? Pour la persécuter ? J’étais énervée, révoltée de voir à quel point la bêtise humaine pouvait aller loin. Parce que, si ce livre est une simple fiction, il ne faut pas se leurrer : combien d’adolescents vivent la même chose qu’Alice ? Je n’ai pas de réponse précise, mais rien que d’y penser, j’en ai la boule au ventre. Heureusement, au milieu de toutes ces mauvaises choses, l’auteur nous offre une petite lueur d’espoir qui vient nous redonner un peu de baume au cœur. Je n’en avais pas encore parlé, mais cette lueur est bien là (et elle fait du bien), que ce soit par le biais d’un soutien inattendu, de remords exprimés, d’une main tendue au moment où l’on s’y attend le moins… ou d’une belle petite histoire d’amour / d’amitié naissante, et touchante.

La vérité sur Alice est donc un livre à mettre dans beaucoup de mains afin que, tous, nous nous rendions compte de l’importance qu’ont nos actes, mais aussi et surtout nos paroles. Le collège et le lycée sont pires qu’une jungle, c’est la loi du plus fort qui prime : il y a ceux avec qui l’on doit traîner pour paraître branché, ceux que l’on doit éviter car ils « craignent »… mais il y a aussi toutes les rumeurs que l’on lance sans réfléchir, qui circulent, et qui enflent au point de gâcher des vies. Les jeunes (et les moins jeunes) ne pensent au départ pas à mal, ils veulent simplement rire un peu, ils se disent que ça passera. Mais des fois, c’est bien plus grave qu’on ne le pense, et c’est ce que ce livre nous permet de voir.

Même si je n’ai pas eu de coup de cœur pour cette histoire et même si j’ai trouvé l’écriture un peu trop simpliste à mon goût (bien que, je le précise une fois encore, elle est travaillée et cohérente avec la narration choisie), au final, je vous recommande quand même cette lecture, parce qu’elle marque les esprits et qu’elle nous fait réfléchir sur le quotidien que vivent les enfants et les adolescents d’aujourd’hui. Je vous préviens toutefois : ne lisez pas ce livre si vous souhaitez vous aérer l’esprit avec quelque chose de léger, parce que ça ne marchera pas. Vu l’état dans lequel je me suis trouvée et les émotions – diverses et parfois contradictoires – que j’ai ressenties… je ne vous le conseille pas pour du simple divertissement !